Paulette Touzard : la mémoire pour devoir
Ayant échappé à la déportation alors qu’elle était enfant grâce à l’intervention de « Justes parmi les Nations », Paulette Touzard n’a eu de cesse, toute sa vie, de témoigner sur la Shoah afin que l’on n’oublie jamais.
Paulette Touzard, présidente de l’Association pour la mémoire des enfants juifs déportés (Lille Métropole Nord Pas-de- Calais) et membre de l'association "Fils et Filles de déportés Juifs de France" a reçu le 14 juin 2019, les insignes de Chevalier dans l’ordre des Palmes académiques des mains de sa marraine, Lili Leignel (déportée à 11 ans).
« Le jour de la rafle du Vel d’Hiv, ils sont venus chercher ma mère et ma grand-mère.
L’un des policiers était un client du restaurant de mes grands-parents. Alors, il a tenté quelque chose… Il a dit : aujourd’hui on ne prend que les étrangers. Ce qui a sauvé ma mère, née en France. Elle ne devait jamais revoir ma grand-mère »
Les dernières paroles de celle-ci furent pour lui dire de rejoindre son fiancé Jean, dans le sud de la France : « Moi, je vais à Pitchipoï *… »
« C’est ainsi que mes parents se sont mariés à Nice. Mon père étant au maquis, ma mère était souvent seule. Elle m’a mise au monde dans une clinique de religieuses. Elles ont caché ma naissance, tout comme le maire, qui n’a pas fait de déclaration à la Kommandatur comme il aurait dû. »
« Ce n’est qu’après-guerre que j’ai commencé à comprendre certaines choses. Le déclic a été ce jour où une petite fille de ma classe de CE1 m’apostropha : « sale juive » !
Je n’avais pas la moindre idée de ce dont elle me parlait. Je me suis donc renseignée, j’ai intégré un mouvement de jeunesse sioniste, je me suis intéressée à l’histoire… »
Un engagement sans faille
C’est à la suite d’un incident dans le lycée de sa fille, que Paulette décide de s’engager en entrant à la Licra, et en prenant ensuite la présidence de la section du Nord Pas-de-Calais. « Alors, j’ai commencé à écumer les établissements scolaires pour transmettre, et éviter que l’histoire ne se répète.
J’ai témoigné, organisé des expositions, et touché ainsi des milliers et des milliers d’enfants. »
C’est pour cet engagement sans faille auprès des plus jeunes, que Madame Touzard a reçu les insignes de chevalier dans l’ordre des Palmes académiques, des mains de Lili Leignel, elle-même enfant déportée à l’âge de 11 ans.
« Me battre pour le « plus jamais ça » me permet de ne pas oublier nos morts, de leur rendre leur dignité.
Mes plus belles réussites, c’est quand on me dit « attention, cette classe est difficile, ils seront dissipés… » et que finalement, les enfants, intéressés – sans doute parce qu’on leur parle d’autres enfants – sont attentifs et ne veulent plus quitter l’exposition ! »
* Pitchi poï, en yiddish פיטשי פוי, est un idiomatisme de la langue des Ashkénazes qui désigne une campagne perdue. Il est employé depuis le début de la Shoah pour nommer les camps d'extermination nazis
SAM 168 - été 2019